«Les choix pris pour l’écologie doivent être acceptables par les Français », a prévenu lundi 14 décembre Emmanuel Macron en lançant sa rencontre avec les membres de la convention citoyenne pour le climat (CCC), sur fond de craintes d’un possible détricotage de leurs propositions pour lutter contre le réchauffement climatique.
En introduisant le débat, le chef de l’Etat a également insisté sur la nécessité de prendre en compte l’impact économique et social de la pandémie de Covid-19 pour mener la transition écologique. Avec cette crise, « on ne peut pas faire comme si rien ne s’était passé » depuis son premier débat, en janvier dernier, avec les 150 citoyens qui doivent terminer leur mission début 2021, a-t-il dit.
«Osez»
Pour cette troisième rencontre avec le chef de l’Etat, 132 d’entre eux ont répondu présent, dont 74 au siège du Conseil économique, social et environnemental (CESE), à Paris, où Emmanuel Macron était accompagné par sept ministres pour une rencontre prévue de trois heures.
La première membre de la CCC à intervenir, Christine, une femme habitant « un petit village » des Alpes, a posé le débat en interpellant le président : « Vous avez l’occasion de rentrer dans l’histoire en prenant des décisions fortes. Alors, osez, monsieur le président ! » Car, a-t-elle regretté, « nous constatons que les mesures que nous proposions sont toutes amoindries ».
Emmanuel Macron s’était engagé en juin à reprendre « sans filtre » 146 des 149 propositions de la CCC, visant à réduire d’au moins 40 % les émissions de gaz à effet de serre de la France « dans un esprit de justice sociale ».
Mais depuis, les citoyens tirés au sort, et qui ont travaillé d’arrache-pied pendant neuf mois, ont regretté le manque d’« ambition générale » pour le climat et de « soutien clair » de l’exécutif à leurs propositions.
«Dialogue»
Le chef de l’Etat s’est justifié en expliquant que, pour lui, la reprise « sans filtre » ne pouvait «être une substitution» au rôle du gouvernement et du Parlement, « qui a mandat de représenter le peuple». «Ce “sans filtre”, c’est l’idée qu’on va au bout de chaque proposition que vous avez faite (…) dans le dialogue », a-t-il souligné. « Rien ne se fera derrière le rideau », a-t-il promis.
Une partie des propositions de la CCC doivent être prises en compte dans le projet de loi climat, attendu fin janvier, avec certaines mesures emblématiques encore dans la balance, comme la rénovation énergétique des bâtiments ou une limitation de la publicité.
« On n’a pas fini les travaux pour décider si la rénovation thermique globale des logements doit être obligatoire », a souligné M. Macron en abordant, point par point, les cinq thèmes :
« Aucun gouvernement n’a fait autant pour l’écologie », a de nouveau affirmé le chef de l’Etat, ajoutant qu’une « cinquantaine» des propositions de la CCC avaient déjà « été mises en œuvre ou sont en cours de l’être».
«Est-ce suffisant ? Non. Faut-il faire plus ? Oui. Si on veut atteindre la neutralité carbone en 2050, il nous faut avoir une courbe qui est plus ambitieuse sur les dix prochaines années », a-t-il ajouté, alors que l’Union européenne vient d’adopter des objectifs plus stricts à l’occasion du cinquième anniversaire de l’accord de Paris.
Mais, a-t-il mis en garde, «les choix pris pour l’écologie doivent être acceptables pour les Français», rappelant que la convention citoyenne étaient «justement née parce que la taxe carbone n’avait pas été acceptée par nos concitoyens», débouchant sur la crise des «gilets jaunes ».
Le président de la République a d’ailleurs insisté sur la nécessité de prendre les mesures dans un cadre européen, pas uniquement français. « L’écoredevance n’a de sens que si on l’applique à l’échelle européenne», a-t-il affirmé, en citant aussi la mise en œuvre d’une éventuelle taxe sur le transport aérien.
«Le décalage entre le réalisme des membres de la CCC et le discours faussement raisonnable du président et des membres du gouvernement est frappant», a tweeté le député Matthieu Orphelin (ex-LRM), en réagissant aux premiers échanges. / Le Monde